Vanités à boire

Un peu de philo ça ne fait pas de mal… Après tout nous sommes dans une société de consommation où tout va vite, où on ne répare plus rien car de toute façon on peut tout acheter ! Mais il ne faut pas oublier les vraies valeurs de la vie et surtout que nous ne sommes pas éternels ! Le vin n’ont plus n’est pas éternel… Il pourrait même représenter la vanité !

Peinture vanités

Vanité ? Oui c’est un terme allégorique désignant ce qui est vain, futile, illusoire, fragile, éphémère et insignifiant. Autrement dit cela représente la vie humaine. Les vanités sont souvent sous forme de natures mortes. Nées à l’époque Baroque (XVIIème siècle), les vanités ont pour but de nous faire réfléchir sur la fragilité et la brièveté de la vie : ‘memento mori’ (souviens-toi que tu mourras) ! De nombreux symboles sont alors utilisés et Ingvar Bergström, un historien de l’art,  les classe en 3 catégories : 

– la vanité des biens terrestres : livres et instruments scientifiques pour la vanité du savoir ; argent, bijoux, perles, armes et couronne pour la vanité du pouvoir et des richesses ; pipes, vin,  fromage, jambon, pommes de terre, instrument de musique et jeux pour la vanité des plaisirs. 

– le caractère transitoire de la vie : crâne, squelette, mesure du temps, montres et sablier, bougies et lampes à huile éteintes, fleurs fanées.

– symbole de résurrection et de la vie éternelle : épis de blé, couronne de lauriers et écus de chêne.

Il y a donc bien le vin comme vanité… Mais quel vin représente le mieux le côté éphémère de la vie ? Focus sur deux vins que je pense être parfait pour l’occasion ! 

« Vanité des vanités, tout est vanité » Salomon

Vanités terrestres, la perle et la jeunesse

Le vin comme vanité… Mais lequel ? Ou plutôt lesquels ? Et oui, je vous en ai sélectionné deux… Il faut dire que le philosophe français Michel Onfray m’a bien ouvert les yeux grâce à deux de ses ouvrages : La raison gourmandeet Les formes du temps – La théorie du Sauternes. Donc je vous propose comme vanités à boire : le Champagne et le Sauternes ! Mais pourquoi ? 

Le Champagne ! Né au XVI ème siècle, ce breuvage sera un véritable succès à la cour du Roi Soleil ! Inventé par Dom Pérignon, le Champagne est synonyme de fête et respire parfaitement la période baroque… C’est une étrange poésie de bulles légères, dansantes, libres et éphémères ! D’ailleurs, ‘Barroco’ – baroque – signifie une perle avec une rodondité non parfaite. Toujours dans la rondeur ! Ce breuvage va inspirer bon nombre de peintres baroques qui croient en ‘l’homo bulla’ : l’homme est comme une bulle. L’existence ne dure pas plus qu’une bulle, c’est une effervescence. Pschitt… Mais plus que les bulles de Champagne ou les bulles d’air, les perles sont véritablement la représentation que l’on retrouve plus communément dans les tableaux. Vermeer est le maestro en la matière : la jeune fille au turban, la joueuse d’épinette, la jeune femme assoupie… Vermeer peint des bulles de sérénité dans des mondes bruyants. Et chacune de ses modèles a une perle… Un rappel de la vanité de l’existence ! Bref le Champagne c’est la bulle, la perle, c’est la vanité de la vie entre pouvoir et plaisir ! Le Champagne comme fête, comme produit de luxe aujourd’hui… A réfléchir à chaque fois que l’on boit une coupette ! 

Les bulles, symboles de l'éphémère

Le Sauternes c’est une autre paire de manches… Dans les nombreuses peintures flamandes que j’ai pu revoir récemment à Florence dans la Galerie des Offices notamment, j’ai remarqué que bon nombre des œuvres représentent des éléments périssables : fleurs mais également fruits. On voit d’autres éléments qui nous font penser au périssable comme la mouche mais jamais on ne voit la pourriture… Trop traumatisant surement. Même si la pourriture est synonyme de vie après la mort. La décomposition est quelque chose de violent : le cannibalisme dans toute sa puissance. 

Pourtant les vins de Sauternes sont l’expression la plus viticole de cette vanité : chaque année le Botrytis Cinerea, pourriture dite ‘noble’ fait son œuvre. Naturellement présente dans le vignoble, elle revient chaque année et se propage transformant, dé-composant les baies de raisins. L’eau, l’air et le feu doivent être en parfaite harmonie. L’eau avec l’humidité de la fraîche rivière Ciron, le brouillard qui s’échappe de la rencontre entre cette rivière et la Garonne plus chaude et le soleil qui l’après midi va permettre l’évaporation de l’eau présente dans les baies de raisins affaiblies et fragilisées par la présence du Botrytis. Mais il faut faire attention à la pourriture dite grise, qui elle est véritablement l’antithèse de la pourriture noble, elle est l’apocalypse. 

Le Botrytis représente l’anéantissement. Mais l’homme l’a dompté d’une certaine manière en faisant naître un nectar de sa présence qui est une célébration de la vie. Pourrir est ici vivre autrement. Le Botrytis est le Phénix de la vigne. Et en buvant cette transfiguration de la mort, l’homme met à profit cet état et en ressort la joie, la fête, l’ivresse. Le Sauternes n’est pas le seul aliment créé par l’homme à partir de la pourriture. Parmi les plus connus, il y a le fromage, certains thés chinois fumés, le nuoc-mam… 

Alors ? Qu’en pensez-vous de ces vanités à boire ? Finalement, il vaut mieux en profiter (toujours avec modération…) !

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