Déguster, c’est parler de moi… (2)

Déguster, c’est parler de soi… Quelque chose de personnel donc puisque l’on décrit en fonction de ses sensations, des odeurs que l’on connaît et des saveurs que l’on perçoit. 

Dans le premier article, il est vrai que j’ai été plutôt ‘impersonnelle’. Preuve en est ce petit commentaire: « Je suis restée sur ma faim, où est cette madeleine de Proust ? Tu n’as pas parlé de toi ! ». Et c’est vrai, je n’ai pas parlé de moi (à part les magnifiques et incroyables photos de ma personne : ceci est du second degré !). Alors pour ce nouvel article, annexe du premier, j’ai décidé de faire une petite introspection: je vais vous parler de MA dégustation. Alors attention, nous ne sommes pas dans les Gouttes de Dieu… Désolée, je ne  me suis pas projetée d’un coup dans un champ de coquelicots avec au loin une chaumière dont la fumée s’échappe en volutes dans l’air du temps… Quoique parfois, cela puisse m’arriver : c’est ce que l’on appelle un souvenir olfactif ou gustatif. 

Il existe deux méthodes en dégustation pour faire un commentaire: on peut faire une analyse dite analytique ou une analyse syncrétique. La première est objective mais n’éclairera que les professionnels du monde du vin: si je vous dis que ce Sauvignon Blanc a des molécules volatiles de type 4MMP (4-Mercapto-4-Methyl-Pentan-2), vous allez me répondre : « Hein ? »… Par contre, si j’utilise la méthode syncrétique qui est plus subjective et qui me permet d’utiliser un souvenir, alors je vous dirais que ce Sauvignon Blanc me rappelle les odeurs d’asperges que ma Grand-mère servait avec une petite vinaigrette dont elle avait le secret ! Là, tout de suite, vous comprenez de quoi je parle… Du moins, c’est plus parlant… 

Parler de moi, c’est personnel, intime… Il ne faut pas avoir honte de raconter des anecdotes, elles font de nous ce que nous sommes. Dès que la honte, la gêne s’installent, alors on ne peut déguster un vin : il n’y a pas d’erreurs en dégustation. 


« Qui sait déguster ne boit plus jamais de vin mais goûte des secrets » Salvador Dali

Yquem

Déguster est pour moi un grand moment de plaisir. De nature curieuse, j’aime découvrir de nouvelles odeurs ou saveurs. J’aime déboucher une bouteille pour savoir ce qui s’y cache… La couleur à chaque fois est très difficile à décrire. Il m’arrive de penser à des fleurs ou à des accessoires qui avaient la même couleur. Les odeurs ensuite sont incroyables… Nous pouvons sentir plus de 35 000 molécules odorantes… Ne parlons pas des animaux qui ont un odorat encore plus développé et ils ont bien de la chance ! Petite, j’avais un jeu des odeurs que j’ai beaucoup utilisé. Simple mais efficace car je pense qu’il m’a permis de développer non pas la capacité à sentir mais la capacité à trouver ce que je sens… Dans le vin, la difficulté est l’addition de plusieurs odeurs entre elles, ce qui crée d’autres odeurs. Le goût ensuite est la partie la plus compliquée pour moi car c’est à ce moment précis que j’ai le plus de mal à mettre des mots sur les saveurs… 

Bien sûr, certaines dégustations sont des découvertes incroyables, un retour aux sources, un souvenir, un endroit, un moment… D’autres sont des déceptions, remplies de défauts mais qui d’un autre côté renvoient également à des souvenirs !! Pour illustrer mes propos, je vais revenir sur quelques dégustations ou parties de dégustations… Parce que déguster, c’est parler de moi ! 

– Château Suduiraut, 1976, Sauternes.

La couleur m’a tout de suite marqué. C’est sûrement la plus belle couleur d’un vin qui m’ait été donnée d’observer. J’ignorais (au début !) que les Sauternes pouvaient avoir une évolution de couleur… Le Suduiraut 1976 est intense, brillant, limite rouge… Le terme pourtant qui se rapproche le plus de sa couleur est topaze. Coïncidence, ma Grand-mère m’a offert une bague ancienne en or surmontée d’une topaze. La couleur est identique. C’est donc un vin qui, dès que je le vois, me renvoie à une personne aimée, comme si ce vin au final était comme cet anneau: il existe un lien entre nous… Il ne s’agit bien sûr pas que de la couleur puisque ce Sauternes est un délice ! 

– Château La Nerthe, 2011, Château-Neuf-du-Pape Blanc sec.

Le choc! Je peux dire que lorsque j’ai posé mon nez sur l’espace de tête du verre estampillé La Nerthe, un souvenir m’est revenu en plein visage. Il y a plusieurs années, lorsque j’habitais encore chez mes parents à Tahiti en Polynésie Française, j’allais de temps en temps avec ma mère dans la zone portuaire de la capitale Papeete. Sur le siège passager, toutes fenêtres ouvertes, je passais au dessus d’un pont qui nous emmenait dans la zone la plus profonde du Port autonome, on avait ainsi la vue sur la ville. Sur ce pont, il y avait un courant d’air à « décorner les boeufs » venant de droite à gauche, il entrait donc totalement dans la voiture et l’emplissait d’embruns et des odeurs du port. A droite justement de ce pont, se trouve un hangar à silo de coprah appartenant à l’Huilerie de Tahiti. Le coprah sert à la fabrication de l’huile de coco et notamment du monoï. L’odeur est unique, elle est proche des petits morceaux de coco séchés rôtis que l’on peut acheter dans le commerce… Fort, puissant, huileux, un peu caramel, fruité mais en même temps fumé… Lorsque j’ai senti ce Château La Nerthe blanc, je me suis revue en train de traverser ce pont…

– Linalol, arôme variétal muscaté.

Le linalol est un terpène présent dans le vin et notamment dans l’arôme variétal (arôme primaire qui provient directement du type de cépage) des Muscats. Le linalol est une molécule odorante qui sent la coriandre, la rose ou la bergamote. Personnellement je trouve que le linalol, que l’on retrouve donc dans les Muscats Beaumes-de-Venise, de Lunel, de Frontignan ou de Saint-Jean-de-Minervois…, a une odeur bien particulière qui est celle de la Fleur de Coucou. La Fleur de Coucou est aussi connue sous le nom de Primevère Officinale : c’est une petite fleur des champs jaune qui a plusieurs hampes florales sur une seule et même tige. Lorsque j’étais plus jeune et que j’habitais Paris, je faisais pas mal de randonnées avec mon père à Vincennes: nous confectionnions un herbier à cette époque et donc nous ramassions beaucoup de fleurs, feuilles et autres plantes. La Fleur de Coucou est l’une de mes fleurs préférées… A chaque fois que je sens cette molécule, certes je pense à la coriandre ou à la bergamote, mais cela change… Par contre, je sens toujours la Fleur de Coucou ! En plein séminaire olfactif, j’ai demandé au Nez qui nous fait cours si cela pouvait être possible. La réponse qu’il m’a fournie est intéressante et peut donc vous être utile: c’est possible, vous pouvez avoir une image olfactive différente des autres. Par contre, en cours de chimie, je ne pourrai pas répondre que le linalol c’est la Fleur de Coucou. 

– Villa Maria Reserve, Pinot Noir, 2007, Nouvelle Zélande.

Voici donc l’un des vins qui m’a le plus marqué gustativement parlant… 2007 ce n’est pas pourtant un millésime ancien… Je me connais, j’aime ce qui est complexe et donc les vieux millésimes me fascinent… Ce 100% Pinot Noir avait une texture veloutée en bouche, fraîche, mais surtout un arôme de cerise griotte, celle que l’on retrouve dans un gâteau fameux : la Forêt Noire ! Je crois que j’aurais mangé cette pâtisserie, cela aurait été pareil: juteux et gourmand, cacaoté et fruité. Enfant, j’allais dans un salon de thé avec ma mère plusieurs fois par mois: chez « Hilaire ». La décoration laissait à désirer (carrelage et skaï) mais les pâtisseries, et notamment la Forêt Noire, étaient délicieuses. Hilaire était le pâtissier incontournable pour Noël, la Fête des Rois… En goûtant ce Villa Maria, j’ai eu cette impression de copeaux de chocolat, de crème légère et de cerise juteuse… Un grand moment d’émotion gourmande !


Moi

Je vous ai donc donné quelques exemples de mes dégustations les plus émouvantes. Je vous ai parlé de moi. Chaque dégustation est unique. Elles resteront gravées. Il ne faut d’ailleurs jamais rester sur un ‘échec’. Le défaut d’un vin, c’est à dire la déception qu’il vous apporte, est peut être dûe à votre état (tristesse, énervement, maladie, fatigue…), au lieu (bruyant, insolite, table près des cuisines…) ou aux personnes autour de vous (impolitesse, amateur ‘je m’en foutiste’ de ce pinard…). Il faudra donc refaire l’expérience ! 

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