Mer de vignes, Lagune de Raisins

Il faut montrer patte blanche pour pénétrer dans cette propriété qui a un nom si évocateur… Entre océan de vignes et estuaire de la Garonne, le Château La Lagune est à l’entrée du Médoc… Le Médoc tient son nom du latin ‘In Media Aquae’, au milieu des eaux. Alors quoi de plus normal que d’y trouver une lagune ? 

Pourtant, ce n’est pas au bord de l’eau que l’on ouvre les grilles du Château. D’un côté se trouve l’objet du désir, la vigne, de l’autre une forêt de chênes. Le château en pierre bordelaise n’est pas un Château de sable, il semble figé dans ce paysage calme et doux, puissant et immuable. On entre alors dans la propriété et l’on se dirige vers un bâtiment plutôt moderne: clair, sans fioritures, design. De grands buis dans d’immenses pots blancs forment un arc de cercle, comme une conque et participent à l’ambiance ‘entre tradition et modernité’. Bienvenue au Château La Lagune… On est dans une cage de verre et de bois tel un aquarium, l’accueil est chaleureux et c’est le maître de chai, Jérôme Juhe en personne, qui nous fait la visite. 

« Pour savoir qu’un verre de vin est de trop, encore faut-il l’avoir bu » De Kersauson

Château La Lagune Cuvier

La Lagune ! Faisant partie de la célèbre appellation Haut-Médoc, ce domaine est un 3ème Grand Cru Classé depuis 1855, le plus proche de la ville de Bordeaux. C’est un nom bien poétique qui appelle au voyage, à la navigation. Jérôme Juhe coiffe la casquette de capitaine et nous embarque dans son aventure viticole. Ô Capitaine, Mon Capitaine… Il faut savoir pourtant que le Château La Lagune est commandé par une femme : Caroline Frey, propriétaire, œnologue et élève du grand Denis Dubourdieu qui reste un conseil précieux pour la propriété. Mais avant cette révolution (il y a toujours très peu de femmes à des postes importants dans les propriétés bordelaises, je dis ça, je ne dis rien…), l’histoire du Château remonte au XVI° siècle avec la venue des Hollandais pour cultiver la vigne. La propriété deviendra Château grâce au Baron Louis (architecte du Grand Théâtre de Bordeaux) qui construira la Chartreuse en 1730. La famille De Sèze en est propriétaire et le restera pendant plusieurs générations. Elle connaîtra la même consécration que les autres quand son cru sera classé troisième en 1855. 

Après ces heures de gloire, le Domaine va être en perdition puisqu’à la sortie de la Seconde Guerre Mondiale, le Château est dévasté et il n’y a plus que quelques hectares de vignes qui produisent. Les gelées de 1956 vont aggraver le contexte déjà difficile et en 1958, la propriété est rachetée par Georges Brunet. Cet homme s’efforcera de remettre la propriété à flot en modernisant le chai et en replantant une grande partie du vignoble. Il s’investit tellement qu’il est obligé de s’en séparer quelques années après en 1961 à René Chayoux. Ce dernier revendra également le propriété en 1968 à Jean-Michel Ducellier, alors à la tête des Champagnes Ayala. Aujourd’hui, la famille Frey est propriétaire depuis 1999 avec à sa tête Caroline qui dirige le Château depuis 2005. 

Chais à Barrique La lagune

Avec 70 hectares de vignes dont 50 hectares d’un seul tenant, le Château La Lagune a retrouvé ses lettres de noblesse et on considère même qu’il est à la hauteur des Second Grand Crus Classés. La visite prend de la hauteur lorsque l’on se rend compte que le cuvier forme un arc de cercle et permet ainsi d’accueillir la vendange qui arrive en hauteur directement via un système de pompe gravitaire. Joli montage technologique qui conserve tout l’arôme et la fraîcheur des raisins car le Château La Lagune reste expert dans cette précision gustative. Il faut dire que le cru se veut très ‘bio’ tant dans la vigne que dans les chais.Voyons maintenant si ce que tout le monde dit est vrai : que ce troisième cru classé mérite d’être second… 

Dégustation La Lagune

– Mademoiselle L, Haut Médoc, 2009 (50% Merlot et 50% Cabernet Sauvignon)

Très beau rubis cerise, limpide et brillant, la robe est d’une jolie intensité. Le premier nez est aromatique, boisé et fruité avec des notes de mûre et de cerise. Le second nez est frais et fin avec un peu de cacao, de la mûre et encore de la cerise. La bouche est fraîche et claire avec une légère amertume. La finale est belle sur la cerise noire délicate ainsi que la prune. Elle finit sur la framboise. 

– Moulin de la Lagune, Haut Médoc, 2009

D’un joli rubis un peu plus foncé que le précédent, brillant et limpide, le premier nez semble un peu fermé. Un peu végétal, toasté et agréable, ce nez est fruité et fin avec des notes de mûre. Le second nez est aromatique avec des touches de cacao, de mûre, de cerise et de toast. Enfin, la dégustation est fraîche et ronde avec une légère sucrosité. Très fruité, puissant avec un boisé fondu, la finale est belle avec une amertume agréable. La toute fin est très intéressante avec un peu de cacao et de mûre, le tout étant très délicat. 

– Château La Lagune, 3ème Grand Cru Classé depuis 1855, Haut Médoc, 2009 (10% Petit Verdot, 30% Merlot et 60% Cabernet Sauvignon).

Petite anecdote, le Château La Lagune fait partie des premiers crus classés que j’ai bu lorsque j’ai commencé ma carrière dans le vin. J’avais donc goûté un 2004… Et j’en avais gardé un très bon souvenir plein de rondeur et de fruits… 2009 est un grand millésime, voyons donc si je retrouve cette émotion vécue! 

La robe de ce Château La Lagune est d’une rubis un peu violacé, brillant et limpide. Le premier nez est puissant, légèrement chaud et fin. Je ressens des notes de prune, de mûre et de cerise. Il y a aussi un peu de toasté. Le second nez est très fin, très délicat avec des touches gourmandes de fraise, de framboise. Il y a aussi des saveurs empyreumatiques comme le café. Complexe, le cuir se mêle à l’ensemble de façon très équilibrée. La bouche est fraîche aussi avec une belle sucrosité. Gourmand, on sent une vraie complexité comme au nez: le boisé du cèdre s’accompagne de cacao, la framboise s’associe délicatement à un poivré léger. Puissant avec des tanins soyeux, la dégustation est souple et croquante. La finale est vraiment belle sur un équilibre parfait entre fruits et tanins. L’émotion est là même si le vin est encore trop jeune. 

Avec le maître de chais

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