Un repas en transparence : un exemple de menu

Il y a forrrrt longtemps… quand j’étais en Terminale à Tahiti, j’avais pris option arts plastiques pour bac. Or, on avait à l’occasion des cours, découvert une artiste : Sophie Calle. Par chance, elle exposait en hiver 2003 au Centre Pompidou à Paris. J’ai pu alors voir son travail en vrai. Une révélation !

Ce qui m’avait plu en cours, c’était ses menus chromatiques. J’ai toujours trouvé que c’était très amusant et surtout esthétique. Et cela m’a inspiré car j’ai toujours eu envie de faire des repas avec une couleur. Malheureusement, par manque de temps et surtout parce que je n’ai pas pris le temps, je ne me suis jamais lancée dans l’aventure !

Plus récemment j’ai aussi découvert l’incroyable maison événementielle et design culinaire Balbosté. Inspiration du Japon et gastronomie française, précision et gourmandise sont, selon moi, leurs crédos. Je suis époustouflée par la délicatesse et la créativité de cette maison. Il y a souvent la transparence dans leurs propositions. Vous pouvez découvrir leur univers et les suivre sur les réseaux (ce n’est pas sponsorisé !).

Cependant, avec le saké, je me dis pourquoi pas… Pourquoi pas sur papier réaliser un menu monochromatique autour de la transparence. Un menu qui met en avant le saké, eau de riz fermentée en accord avec des plats qui jouent sur cette limpidité, cette absence de couleur, cette luminosité !

La transparence

La transparence est synonyme de légèreté, de finesse, de subtilité. On image des plats épurés avec des ingrédients frais. Il en va de même pour le saké japonais. Dans mes commentaires dégustation, je parle toujours de la couleur du saké car ne pas avoir de couleur, est une description. Or, le saké a souvent peu de couleur : il est difficile de décrire une absence alors j’utilise des mots comme argenté, limpide, clair, translucide, transparent, brillant, aqueux…

Pourtant, le saké japonais a des petites nuances, des reflets : argentés, verts, jaunes, pailles, dorés…

La décoration

Bien sûr, un menu passe aussi par une décoration et le choix d’un lieu adéquat. Si nous étions libres, comme notre imagination nous le permet, alors je choisirai un endroit au bord de la mer avec beaucoup de lumière. Un endroit solaire avec des baies vitrées pour admirer ce paysage océanique qui invite à la contemplation et à la détente.

La table devra être simple, blanche (en marbre) ou en verre. Peut être que l’on peut oublier la classique nappe. J’ajouterai cependant des éléments floraux, pas trop parfumés, comme des gypsophiles.


Le menu « Transparence » autour du Saké Japonais

1. Mise en bouche : Rouleaux de printemps et chips cristal de légumes

Image créée par IA – Otsukimi
  • Description : Le fameux rouleau de printemps avec sa galette de riz est idéal pour jouer sur la transparence et ainsi choisir des ingrédients frais et colorés. Balbosté crée des rouleaux de printemps incroyables. Ici, je propose quelque chose de beaucoup plus simple avec des légumes croquants et une petite sauce soja légère. En accompagnement, pour rajouter un aspect encore plus croustillant : des chips cristal de légumes comme la pomme de terre, la patate douce blanche, le navet ou encore la pomme verte. Avec bien sûr une touche de sel apportée par le gros sel.
  • Saké : Sur cet amuse bouche, je voulais jouer avec Imada Shuzo et son Seafood. Il y a de la légèreté, de la fraicheur, de l’acidulé avec ce saké à 13% réalisé avec du Koji Blanc. L’idéal pour ne pas « plomber » le début du repas.

2. Soupe froide : Bouillon dashi, daikon en carpaccio et yuzu

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  • Description : Sur une base claire de bouillon dashi, le daikon (radis blanc japonais) est coupé en carpaccio. Les fins pétales semblent former une fleur flottant sur le bouillon comme un lotus. Le tout est servi froid avec un petit zeste de yuzu vert qui rajoute une pointe pétillante au plat. On joue ici aussi sur la texture croquante du daikon qui fait échos à la douceur umami du bouillon.
  • Saké : Je propose de servir à température ambiante le Junmai Yamahai Soden de Kitaya (Préfecture de Kochi). Umami sur umami. C’est un saké léger mais ample qui apporte une légère amertume faisant échos à l’agrume mais aussi des notes de légumes racines. A servir dans un ochoko en porcelaine.

3. Plat principal : Carpaccio de coquilles St Jacques à l’huile de truffe blanche

  • Description : Le carpaccio de coquille St Jacques est au centre du plat. Les fines lamelles du crustacés jouent sur la transparence et on utilise une huile de truffe blanche pour jouer sur le côté terre mer du plat. On accompagne d’une écume qui a un léger goût d’orange.
  • Saké : En accord sur ce plat, je pense à Kuheiji Sauvage, un Junmai Daiginjo, de la Maison Banjo Jozo. Kura que je travaille depuis 2017, c’est un saké que j’affectionne pour sa versatilité. Il y a de la texture, de la matière, comme la noix de St Jacques. Mais il y a aussi une certaine douceur et une complexité aromatique entre fruit, céréale, terre et végétal. A servir dans un beau verre à vin (type Bourgogne) pour le laisser respirer. A déguster frais.

4. Plat principal : Tempura de champignons avec sauce ponzu et crevette crue

Image créée par IA – Otsukimi
  • Description : Dans un bol transparent, voici les tempura de légumes et de champignon avec surtout des enoki, des champignons en buisson. Chez OBA, notre chef Yuichiro, fait un tempura d’enoki délicieux avec une algue nori qui fait office de maintien pour le pieds du bouquet. A côté, en parallèle du croustillant transparent, j’avais envie de jouer sur le fondant de la crevette japonaise crue. Avec un pinceau, on passe discrètement une sauce ponzu pour faire briller le crustacé. La Ama Ebi est une crevette rose ultra fondante : quand elle est mise en bouche, elle disparait comme par magie. Son goût est léger et iodé. Parfait.
  • Saké : En accord avec ce double plat, je voulais un saké versatile, un saké qui pouvait être servi froid et dont la montée en température ambiante allait modifier son profil aromatique. Aussi Tanaka 1789 x Chartier est parfait pour cet exercice. La Maison Tanaka et le Meilleur Sommelier du Monde François Chartier ont créé un Junmai gastronomique. La crevette peut ainsi arriver en premier et être consommé avec le saké frais et après quelques instants, les tempura chaud arrivent pour être dégustés avec le saké qui est plus à température ambiante. Cette dualité de température, simple, avec les deux plats est intéressante.

5. Patience : Granité fleurs de sureau avec insert de perles de fruits

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  • Description : Pour se nettoyer le palais avant de passer au dessert, je propose de jouer sur la transparence d’un granité en patience. Le granité est réalisé avec le saké mis en dégustation et infusé avec des fleurs de sureau. Au sein du granité, caché ou presque, car avec la transparence on peut les deviner, on a mis des petites perles de fruits : pomme verte, poire et nashi. La fraicheur du granité est adoucie par l’acidulé et le croquant des fruits frais. On reste sur une patience pas trop sucrée.
  • Saké : En accord, dans un verre à vin et servi frais, je propose Dassai 45 de la Maison Asahi. On pourra utiliser ce saké pour réaliser le granité et servir une petite quantité de ce nishonshu. Très aromatique, très fruité, Dassai 45 a des notes de pomme verte, de poire et de fleur de sureau. C’est un accord basé sur l’aromatique.

7. Dessert 2 : Ichigo mochi et tapioca croquant caramel réglissé

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  • Description : Nous passons enfin sur le dessert qui lui aussi est composé de deux petits desserts. Sur une coupelle en cristal, voici le classique Daifuku mochi. La pâte de riz gluant formant le mochi embrasse la fraise fraiche et laisse apparaitre en transparence sa couleur rouge passion. On utilise de la pâte de haricot blanche et non rouge pour garder la légèreté et ce côté floral et fruité. Pour la décoration du mochi, on pourra réalisé un insert de fleur comestible de saison. A côté, un dessert plus traditionnel, plus madeleine de Proust avec un bol de tapioca avec une feuille délicate de caramel réglissé. C’est une proposition plus ronde, plus moelleuse, plus fondante.
  • Saké : En accord, je pars sur de la légèreté et de la complexité en même temps. Voici le Sparkling Shichiken x Alain Ducasse. Un saké pétillant en méthode champenoise qui est un assemblage de saké classique et de kijoshu qui a passé un petit temps dans des barriques de cerisier. La bulle est vive, vivifiante sur la fin d’un repas. C’est parfait pour enrober les deux desserts avec un echo sur la réglisse, la crème, la fraise et surtout la fraicheur.

J’espère que cette proposition de menu vous a séduit. Je vous invite à écouter mon podcast KOME sur la Transparence où je vous dévoile ce menu, des idées, des conseils… Voici le lien, vous pouvez cliquer ici. J’en profite pour vous rappeler que KOME est mon podcast sur le saké, les alcools japonais et la culture gastronomique nippone. J’ai la grande chance de faire ce podcast à Bordeaux dans des bureaux ultra pro avec Boris aux manettes. Vous pouvez aussi soutenir les podcasts et initiatives de Voxyphonie ici.

Pour finir, attention : entre boire ou conduire il faut choisir. Ce menu sur la transparence ne doit pas nous faire oublier que l’abus d’alcool est dangereux pour la santé et que c’est à consommer avec modération.

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