Quand l’Orient s’invite à Bordeaux…

Il y a des Châteaux qui sont un rêve éveillé: le bâtiment en lui-même est un appel au voyage, l’ambiance est emplie d’un parfum d’aventure et d’exotisme. C’est tout à fait ce que je ressens avec le Château Cos D’Estournel: on sait que l’on est sur des terres mythiques puisque l’on vient de dépasser le fameux Château Lafite Rothschild. Sur une butte, au détour d’un virage, le domaine apparaît et l’on a l’impression d’avoir passé une frontière qui nous emmène dans un pays oriental… Alors on accepte de monter sur un tapis volant pour découvrir une propriété hors du commun: on est émerveillé face aux pagodes venues d’un palais d’un Sultan de Zanzibar qui surmontent les chais, on entend le cliquetis des carillons qui tintent au gré du vent du Médoc, on admire les jardins étoilés et on se perd dans l’Inde des Mille et une nuits. On s’attend même à voir des jeunes femmes habillées de saris vous accueillir et on ne serait pas étonné de découvrir un éléphant se baignant dans les bassins… Mais on revient vite à la réalité, car ce Château n’est pas un mirage, il est bel et bien là… Le Château Cos d’Estournel a une réputation à tenir, second Grand Cru Classé depuis 1855, il est considéré comme le meilleur Saint Estèphe.  


« Toujours le vin sent son terroir« 

Château Cos d'estournel

Louis-Gaspard D’Estournel nait en 1762 sous le règne de Louis XV. Cet homme incroyable n’eut qu’un seul et unique amour durant sa longue vie: Cos. C’est l’histoire d’une passion, d’une fusion entre la chair, la pierre et la vigne. Amoureux éperdu de son domaine, il fera tout pour le faire connaître. En 1811, il comprend qu’il détient un trésor et achète successivement les terres pour devenir finalement propriétaire de toute la colline. Cet homme fera tout pour faire apprécier son cru. Les premiers vins de Cos seront vendus aux Indes… Les Maharadjahs et les Nababs parent leurs tables somptueuses de ce vin puissant et épicé. Pour célébrer ces événements commerciaux, le Marquis d’Estournel que l’on baptisera le Maharadjah de Saint-Estèphe, organise des banquets et des fêtes incroyables sur sa propriété. Il offre également des bouteilles de Cos ‘Retour des Indes’ à la Cour d’Angleterre et au Tsar de toutes les Russies (il inspira l’expérience de Larrivet Haut-Brion et l’élevage sous la mer). Privilège ultime, l’Empereur Napoléon III sera un fidèle amateur de Cos et fera entrer aux Tuileries des milliers de bouteilles de ce vin. Cos D’Estournel est un symbole d’ouverture, de voyage et de talent… Stendhal, Jules Verne ou Karl Marx comptaient parmi ses fans…

Mais parfois, l’amour rend aveugle, l’amour rend fou, l’amour fait perdre la raison et les réalités. Louis-Gaspard vit au dessus de ses moyens, embellit son Château, l’étend… Mais il sera obligé face aux dettes de céder son bijou en 1852 à un banquier londonien : Martyns. Impressionné par la passion de Louis-Gaspard, il l’autorisera à rester sur ses terres où il mourut l’année suivante en 1853 à l’âge incroyable de 91 ans. Il ne connaîtra jamais la consécration: en 1855, Cos D’Estournel devient un Second Grand Cru Classé, à la tête de tous les Saint-Estèphe au classement impérial. 

La porte de zanzibar

Cos D’Estournel connaitra plusieurs propriétaires qui tous s’apercevront de l’incroyable ambiance du lieu… Aucun ne voudra en changer. En 1917, Fernand Ginestet devient propriétaire. Le Château restera dans la famille, grand nom du négoce bordelais, plusieurs années: ses petits-fils Jean-Marie, Yves et Bruno Prats en hériteront. En 1978, Ginestet devient une filiale du Groupe Taillan (Chasse-Spleen, Gruaud-Larose…). 

Depuis 2000, le Château Cos d’Estournel appartient à un homme d’exception qui s’engage à poursuivre l’œuvre de Louis-Gaspard: Michel Reybier. Homme de terroir, il a été propriétaire de marques connues et reconnues comme Aoste, Justin Bridou ou Cochonou (pas le même genre de terroir, mais tout de même). Il rénove la propriété en 2006 et fait appel à deux architectes qui marieront leurs travaux d’une façon magnifique…

Jean-Michel Wilmotte (Musée d’Orsay, Musée du Louvre, Chaumet Japon, Cartier Japon…) est l’architecte responsable des chais : entre acier et verre, il va créer un monde hors du commun, un chai unique au monde car entièrement gravitaire. Ainsi sur 3 étages, le raisin va progressivement se promener dans des chariots électriques, devenir vin dans 72 cuves isothermes et tronconiques en inox (en 2004, une étude a départagé 72 parcelles sur les 91 hectares de la propriété), voyager via 4 cuves-ascenseurs et finir 18 mois d’élevage en barriques… La mise en bouteille se fera naturellement sur la propriété et environ 200 000 à 380 000 bouteilles sortiront chaque année. Jacques Garcia (Fouquet’s, Hôtel Majectic, Hôtel Costes ou encore Hôtel Le Régent de Bordeaux), quant à lui, est l’architecte des bâtiments pagode et du caveau: il respectera jusqu’au bout la vision du créateur, allant même jusqu’à faire venir d’Inde les pavements roses que foulent les visiteurs émerveillés. 

L'entrée dans un monde magique

Les éléphants de pierre nous accueillent et malheureusement, c’est sous une fine bruine que nous allons visiter le Château. Les portes sculptées s’ouvrent alors sous l’impulsion de notre hôte et l’on pénétre dans un univers inconnu: le rêve devient réalité… Voici la caverne d’Ali Baba! Dans le hall majestueux, je ne m’attendais pas à cela… Le design est superbe, l’accueil est sympathique et professionnel et la visite est vraiment intéressante. 

Un pont suspendu

Très impressionnant: le chai souterrain avec une passerelle en verre et acier illuminée… On a l’impression de traverser un espace temps, l’ambiance est feutrée, l’odeur de chai est agréable. Au bout de cette passerelle, on découvre la cave privée du Château avec de vieux millésimes du XIX° jusqu’à aujourd’hui. Une grande partie des vieux millésimes du Château sont à Lafite et il arrive tout de même que Cos ouvre des millésimes (post 1950) lors de grands repas. 

La dégustation a lieu dans le grand hall d’entrée. Les crachoirs sont vraiment amusants: on dirait des abreuvoirs! Délicate attention: un papier avec un crayon nous est proposé pour la dégustation ainsi qu’un petit fascicule sur le Château. Au programme, deux vins:  Les Pagodes de Cos, le second vin du Château et le grand cru, Château Cos D’Estournel. 

– Les Pagodes de Cos, Saint Estèphe 2008 (65% Merlot, 34% Cabernet Sauvignon et 1% Petit Verdot). 

D’un joli rubis framboise, la robe est brillante et d’une belle intensité. Le premier nez est frais et délicat avec des notes boisées et gourmandes de prune. Un peu baume Tolu, le second nez confirme la gourmandise… Fraise, framboise confiturée, raisin noir aromatique, c’est un festival de fruits accompagné de cuir et d’épices douces. La bouche est fraîche et intense. Toujours fruitée, la dégustation montre des touches de fraise, de framboise, de cerise et de mûre. Charpenté et tannique, ce vin est prenant, vif mais fondu. La finale est chaude sur la prune, longue et agréable. C’est un vin complexe mais clair et précis. Joli. 

Compter 45 euros la bouteille à la propriété

– Château Cos D’Estournel, 2nd Grand Cru Classé depuis 1855, Saint Estèphe 2008 (85% Cabernet Sauvignon, 13% Merlot et 2% Cabernet Franc). 

La robe est rubis rouge profond avec une belle intensité colorante. Brillante et limpide, ce vin est étincelant. Le premier nez est discret et gourmand. Le cacao, la vanille, le gâteau avec des raisins secs et un peu de café torréfié, c’est puissant, c’est clair, c’est impressionnant. Le second nez est aussi très aromatique (pourtant 2008 c’est jeune !) avec un boisé exotique léger et des touches de torréfaction. La prune, la mûre fraîche se mêlent à des épices douces (cannelle, réglisse et poivre). La dégustation est fraîche et sucrée. Droit et ample, on sent une grande puissance aromatique, de la complexité avec une grande délicatesse. C’est une main de fer dans un gant de velours… Des arômes de réglisse se marient avec la mûre et le cassis. Mariage réussi avec pour témoin le cacao. Souple, élastique en bouche, la finale est superbement longue sur la mûre et la réglisse. Sûrement l’un des vins les plus extraordinaires que j’ai bu, un coup de cœur autant pour la propriété que pour le vin… Pourtant 2008 n’est pas un millésime exceptionnel (2009 est exceptionnel et il faudra débourser 300 euros en propriété), mais c’est tout de même une bonne année. 

Compter 150 euros la bouteille à la propriété

Dégustation de Cos

Château Cos D’Estournel

33180 Saint Estèphe

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