Le vin doit souffrir pour être beau

C’est un grand débat que celui de l’utilisation du soufre en œnologie… Alors certes l’adage dit qu’il faut souffrir pour être beau mais faut-il soufrer le vin pour qu’il le soit ? J’ai ma petite idée sur la question, je l’avoue… On entend souvent les viticulteurs bio prôner le non-sulfitage, c’est tout à leur honneur… Même si je reste sceptique quant à la bonne évolution du vin en bouteille… Mais je ne reste pas campée sur mes positions : la preuve par l’expérience !! 

L’article est un peu technique, j’espère qu’il ne va pas être imbuvable… Si vous avez des questions, n’hésitez pas me demander un petit complément !

« Moins on aime, moins on souffre« 

Barrique de vin

Le soufre, également appelé Anhydride Sulfureux et communément annoté SO2, est utilisé depuis le XVIII° siècle. Même si certaines propriétés ne l’utilisent pas durant la vinification, il faut savoir qu’un vin dépourvu de SO2 est extrêmement rare : en effet, durant la fermentation (transformation du sucre en alcool et en CO2), la levure produit un petit peu de soufre… Et oui ! Je vais donc essayer dans cet article de vous expliquer le rôle du SO2 en vinification. 

Chimie du SO2

Le dioxyde de soufre total est composé du dioxyde de soufre libre (HSO3-) et du dioxyde de soufre combiné (SO2 combiné avec d’autres substances comme le sucre ou des acides cétoniques et SO2 combiné à l’éthanal). 

Les rôles du SO2

– Antiseptique

Le SO2 permet d’inhiber le développement des micro-organismes comme les bactéries et les levures. Le soufre sélectionne les levures les plus adéquates pour la fermentation. Et son effet antiseptique est très important pour la conservation du vin : ainsi les levures ne se développent plus (refermentation en bouteille évitée), les bactéries lactiques et acétiques également évitant les piqûres. Plus intéressant, le SO2 évite la propagation d’une levure de contamination nommée Brettanomyces Bruxellensis qui crée des ethyl4phénols et des ethyl4gaïacol induisant des goûts d’écurie ou de souris dans le vin. 

– Antioxydant

Le SO2 se combine à l’oxygène (O2) : SO2 + 1/2 O2 –> SO3. Ainsi il permet d’éviter la madérisation du vin en fixant une bonne oxydo-réduction du vin favorable au développement d’arômes de vieillissement. 

– Antioxydasique

A ne pas confondre avec l’action précédente : le SO2 détruit ou inhibe les enzymes d’oxydation comme la laccase ou la tyrosinase avant le début de la fermentation. Il évite ainsi la casse oxydasique des vins issus de vendanges pourries par ce biais. 

– Combinant avec l’Ethanal et d’autres produits similaires

Le SO2 fait disparaître le caractère ‘éventé’ des vins. L’Ethanal est une molécule ayant un goût de pomme blette qui apparaît à la suite d’une dégradation de l’éthanol. 

Les doses de SO2 dans le vin 

– La législation

La législation de l’Union Européenne est très claire quant à la valeur limite de la teneur en dioxyde de soufre en fonction du type de vin. Il s’agit des réglements CE n° 479/2008 et 606/2009. 

Les vins rouges ayant une teneur en sucre inférieure à 5g par litre peuvent utiliser un maximum de 150mg/L de SO2. Pour les vins blancs et rosés ayant également une teneur en sucre inférieure à 5g/L, les viticulteurs peuvent ajouter 200mg/L maximum de SO2. Quant aux vins liquoreux qui comportent bien évidemment plus de 5g de sucre par litre, il faudra compter 400mg/L maximum de SO2. 

Il faut aussi savoir que l’étiquettage est obligatoire: « Contient des sulfites » est présent sur toutes les étiquettes de vin contenant une teneur en SO2 total de 10mg/L. Un registre (incluant date de manipulation, nature et quantité des produits) est également tenu par les viticulteurs. Le réglement CE 606/2009 prévoit aussi l’utilisation d’un pictogramme avec la mention « Contient des sulfites ». Ce logo est optionnel mais la mention écrite est obligatoire. 

– Le mal de crâne

Depuis le début du XXème siècle, le souffre a fait l’objet d’études concernant sa toxicité éventuelle. Il faudrait que les doses de SO2 avoisinent les 4g en une prise pour que des effets tels que des nausées, des vomissements et des irritations gastriques apparaissent. Il a été prouvé qu’il n’y avait aucun effet secondaire avec l’absorbtion durant 25 jours de 400mg de dioxyde de souffre.

Mais alors d’où vient ce mal de crâne que l’on attribue souvent au SO2 ? Le groupe de consommateurs à risque est celui des asthmatiques. Il a été prouvé que l’effet broncho-constricteur est accentué avec l’inhalation ou l’ingestion de SO2. Il faut aussi que les personnes allergiques fassent attention. Le fameux mal de crâne est un symptôme des personnes allergiques ou souffrant d’intolérance aux sulfites. Suite aux différentes études, le FDA (Food and Drug Administration) des USA a rendu obligatoire la mention sur les étiquettes de la présence de sulfites lorsque la dose dépasse 10mg/L. 

– Les formes d’utilisation du SO2

Il est possible d’utiliser le SO2 sous différentes formes durant la vinification. On peut donc avoir du SO2 en gaz qui se liquéfie vers -15°C ou sous une pression de 3 bars à température ordinaire. Incolore et contenu dans des bouteilles métalliques, le gaz sulfureux est utilisé pour des additions importantes. Ce gaz est aussi livré en ampoule afin de sulfiter des barriques de centaines de litre. Pour des additions de petits volumes, on peut utiliser des solutions de 5 à 8% préparées dans de l’eau ou du moût à partir de gaz liquéfié. Il existe aussi des solutions plus concentrées de 10% voir 20% de bisulfite de potassium qui sont plus faciles à manipuler car elles sentent moins le SO2. 

Une forme très commune d’utilisation du soufre est le méchage des fûts. On fait brûler un peu de SO2 dans les barriques, les foudres et même les cuves. C’est surement la forme la plus ancienne d’utilisation du SO2. 

Traité d’Œnologie – Tome 1

Pascal Ribéreau-Gayon, Denis Dubourdieu, Bernard Donèche et Aline Lonvaud  

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